//// Yojimbo - Le garde du corps ////


Yojimbo - 1961
 

L'affiche japonaise du film - Cliquez sur l'image pour l'agrandir (142 Ko)


Réalisation et montage : Akira Kurosawa
Scénario : Akira Kurosawa, Ryuzo Kikushima
Directeur de la photographie : Kazuo Miyagawa (35 mm ; TohoScope ; noir et blanc)
Musique : Masuru Sato
Producteurs : Tomoyuki Tanaka, Ryuzo Kikushima
Sociétés de production : Kurosawa Productions, Toho
Société de distribution (Japon): Toho

Interprétation :
Toshiro Mifune (Sanjuro Kuwabatake, ronin)
Eijiro Tono (Gonji, vendeur de saké)
Kamatari Fujiwara (Tazaemon, marchand de soie)
Takashi Shimura (Tokuemon, brasseur de saké)
Seizaburo Kawazu (Seibei, un partisan de Tazaemon)
Kyu Sazanka (Ushitora, un partisan de Tokuemon)
Tasuya Nakadai (Unosuke, son frère)

Durée : 1h50

Dans une petite ville située au nord de l'ancienne Tokyo, deux bandes rivales s'affrontent pour le contrôle de la ville: l'insécurité règne partout et les hommes vivent cachés. Les rues sont pleines de cadavres et seul le marchand de cercueils semble heureux de la situation. Un jour, débarque un ronin (samouraï mercenaire), qui va vite comprendre la situation dans la ville.
A son arrivée, il est pris à partie par un homme qui lui demande de rétablir l'ordre dans le village. Un autre, qui tient un bar, lui conseille au contraire de partir au plus vite: son arrivée risque d'aggraver les troubles. Bien sûr, les deux bandes vont chercher chacune à s'attirer l'aide de ce guerrier qui leur a prouvé, dans une scène de bagarre expéditive, sa valeur.
Sanjuro (son nom, qui signifie "trentenaire", peut être assimilé à celui de "Blondin" ou "Personne" dans les westerns de Sergio Leone) va comprendre le bénéfice qu'il peut tirer de la situation. Il va vendre alternativement ses talents aux deux bandes rivales. Il fait croire à Tazaemon, le marchand de soie, qu'il va le suivre. Mais, après avoir surpris une conversation, il comprend qu'on veut l'escroquer. Alors que les deux bandes au grand complet sont face à face dans la rue principale (dans une atmosphère très western), Sanjuro décide d'abandonner le combat. Il monte en haut d'un beffroi, décidant d'apprécier la scène vu d'en haut, et encourage les deux camps par ses invectives. Ceux-ci ne savent plus que faire. Heureusement, l'arrivée d'un émissaire du pouvoir central oblige les partisans à remettre leur affrontement à plus tard. Cette séquence de la "bataille" est un chef-d'oeuvre d'ironie: où Kurosawa est-t-il allé chercher des têtes pareilles: visages de bagnards, patibulaires et pleutres, en un sens ridicule. Il va même jusqu'à affubler l'un des combattants d'Ushitora d'une masse en bois proportionnée à son énorme corpulence, et totalement anachronique.
Après le départ de l'envoyé du pouvoir, les choses reprennent leur cours, et Sanjuro continue à envenimer la situation: le village se met à "bouillir comme une marmite", les incidents s'enchainent, et lui s'enrichit de jour en jour. On commence à penser de plus en plus que le ronin n'est qu'un guerrier sans foi ni loi. Oui mais voilà qu'un évenement vient soulever le doute. Emu par la situation d'un homme dont Tokuemon a fait enlever la femme, il va profiter de la nuit pour la libérer et permet au couple de quitter le village, en leur offrant tout son argent. Le mercenaire est comme tout le monde: c'est un être humain bourré de contradictions...
Mais son geste héroïque est pour lui synonyme de perte: découvert, il est torturé puis enfermé agonisant dans une cellule dont il parviendra à s'échapper et va se cacher dans le cimetière. Pendant ce temps, la confrontation dans le village tourne à l'avantage de Tokuemon, qui décime tous ces adversaires et commence à crier victoire. C'est sans compter le retour de Sanjuro qui va, dans la bataille finale, tuer un à un tous ses adversaires. Dans une dernière scène, Sanjuro, très laconique, conclut: "Maintenant, il y aura un peu de tranquillité dans ce village". Yojimbo est un film très ironique de Kurosawa, qui filme ici une "parodie de la violence" (Aldo Tassone). Il reprend tous les codes du film de samouraï et du western américain (que Kurosawa, grand cinéphile, connaît bien), pour mieux les détruire et faire rire le spectateur. Certaines scènes sont hilarantes, tant les personnages sont ridicules et les quiproquos cocasses.
Une telle démonstration ne pouvait qu'influencer les occidentaux: Sergio Leone, qui tombe par hasard sur le film, décide de l'adapter: ce sera "Pour une poignée de dollard" (Per un pugno de dollari), avec Clint Eastwood (1964), nettement moins fin que son modèle, mais tout aussi jouissif. Plus récemment, Walter Hill adaptera de nouveau le scénario, dans "Dernier Recours" (Last man standing), avec Bruce Willis (1996 - je n'ai pas vu). Le succès considérable de Yojimbo au Japon poussera les producteurs à demander une suite à Kurosawa: ce sera "Sanjuro" (1962), un autre chef-d'oeuvre d'ironie et de parodie.