//// Sanjuro ////


Sanjuro - 1962
 

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Réalisation et montage : Akira Kurosawa.
Scénario : Akira Kurosawa, Ryuzo Kikushima, Hideo Oguni, d'après le roman de Shugoro Yamamoto Jours de Paix.
Directeurs de la photographie : Fukuzo Koizumi, Takao Saito (35 mm ; TohoScope ; noir et blanc)
Musique : Masaru Sato
Producteurs : Tomoyuki Tanaka, Ryuzo Kikushima
Société de production : Kurosawa Productions, Toho
Société de distribution : Toho

Interprétation :
Toshiro Mifune (Sanjuro Tsubaki, ronin)
Tatsuya Nakadai (Hanbei Muroto, samouraï, bras droit du gouverneur de la police Kikui)
Yuzo Kayama (Iori Izaka, le chef des jeunes samouraïs)
Takashi Shimura (le majordome Kurofuji)
Kamatari Fujiwara (Takebayashi, son allié)


Durée : 1h36


Dans un temple, 9 samouraïs complotent contre le majordome Kurofuji, qui est selon eux responsable d'une gestion désastreuse et corrompue du territoire. Ils sont arrivés à obtenir l'appui du gouverneur de la police Kikui, et sont en train de mettre au point leur plan. C'est alors qu'entre en scène Sanjuro (le même personnage que dans Yojimbo), qui, alors qu'il s'était arrêté ici pour dormir, a surpris la conversation des 9 jeunes hommes.
Le contraste entre le groupe de jeunes nobles tirés à quatre épingles et un Sanjuro baillant, débraillé, est saisissant. Celui-ci leur explique (sans qu'ils aient rien demandé) qu'à son avis, l'accord de Kikui était trop beau pour être honnête, et qu'ils sont sans doute tombés dans un traquenard. D'ailleurs, s'ils regardent à l'extérieur, ils pourront voir les troupes de police venus les arrêter. Désemparés, le groupe s'en remet à Sanjuro, qui, par un habile stratagème, arrive à éloigner les policiers.
Admiratif, le groupe décide de prendre Sanjuro comme chef pour leur mission. Celui-ci accepte, moins par conviction que parce qu'il a pris en affection ce groupe de jeunes rêveurs et qu'il sait que s'il ne sert pas de garde-fou, ils iront droit au massacre. La mission s'annonce de plus en plus délicate: le gouverneur a été arrêté par le vil Kurofoji, pour des fausses raisons de corruption.
Les différentes actions des jeunes nobles se soldent les unes après les autres par des catastrophes (souvent très comiques), mais le groupe réussit finalement à libérer la femme et la fille du gouverneur. Kurosawa s'en donne à coeur-joie: ce film lui permet d'ironiser sur le film de combat, sur les valeurs guerrières, qu'il a en horreur. Alors que Sanjuro, tout à sa mission, tue à qui mieux mieux tout ce qui lui passe sous la main, la femme du gouverneur, dans un instant de répit, lui demande: "Etait-il vraiment nécessaire de tuer les gardiens", puis ajoute: "Certes, vous maniez très bien l'épée, mais les meilleurs épées doivent rester dans leur fourreau". Cette réflexion touche en plein dans le mille. Dorénavant, Sanjuro, changé, se confondra en excuses à chaque fois qu'il devra faire usage de son arme.
Après moultes péripéties (comme dans Yojimbo, Sanjuro fera un instant mine de changer de camp, mais c'est pour mieux déstabiliser et affaiblir ses adversaires), le groupe localise la maison où est enfermé le gouverneur. Sanjuro décide de partir en éclaireur, pour éviter que l'imprudence des jeunes samouraïs les poussent à se jeter dans les griffes du loup. Comme signal de l'attaque, la fille du gouverneur propose que le ronin fasse passer dans le ruisseau qui sort de la maison des fleurs de camélias, qu'elle trouve magnifique. On atteint ici le comble de l'ironie: le brave samouraï, qui a tué tant de personnes, en est réduit à cueillir des fleurs à pleines poignées, pour lancer l'assaut final.
Après la victoire, alors que, tel le cow-boy de la bande dessinée, le "lonesome samouraï" s'éloigne, et que le groupe le suit pour pouvoir le remercier, Muroto, le chef des hommes de Kikui, rattrape Sanjuro et lui demande de se battre en duel: son honneur est froissé. Alors qu'il n'aurait sûrement pas hésité une seule seconde avant l'aventure, Sanjuro refuse. Mais Muroto persiste: "si je meurs, je retrouverai au moins la paix". Les deux hommes se regardent pendant de longues secondes puis, dans un geste fulgurant, Sanjuro sort son sabre et transperce le coeur de son adversaire, dans une pluie de sang (c'est sûrement la scène de combat la plus courte du cinéma asiatique, voire mondial).
Alors qu'un des membres du groupe des neuf le félicite, Sanjuro leur explique: "Idiots ! Comme moi, c'était une épée sans fourreau. La noble dame avait raison, les bonnes épées doivent rester dans leur fourreau"...

Après un tel épilogue, on ne peut guère douter des idées anti-militaristes et pacifistes de Kurosawa, qui n'utilise dans aucun de ses films la violence à fins purement gratuites. Les hommes qui se battent dans les films de Kurosawa le font parce qu'ils sont obligés de le faire, et n'éprouvent aucune satisfaction après la victoire. Au contraire, ils sont désolés ou se fondent en excuses (Sugata Sanshiro dans La légende du grand judo, Kambei dans Les Sept samouraïs, Goro Murakami dans Chien enragé...)
Les deux films qui mettent en scène Sanjuro Tsubaki sont particulièrement jouissifs, et les effets comiques souvent irrésistibles. Les films violents, qui pensent montrer la puissance et la virilité, deviennent ridicules après des parodies de ce genre...