//// Dodescaden ////


Dodesukaden - 1970
 

L'affiche originale du film - Cliquez sur l'image pour l'agrandir (93 Ko)



Réalisation: : Akira Kurosawa.
Scénario : Shinobu Hashimoto, Akira Kurosawa, Hideo Oguni d'après le roman de Shugoro Yamamoto "Quartier sans soleil"
Directeurs de la photographie : Yasumichi Fukuzawa, Takao Saitô (couleur)
Montage: Reiko Kaneko.
Musique : Toru Takesmitsu.
Producteurs: Kon Ichikawa, Keisuke Kinoshita, Masaki Kobayashi, Akira Kurosawa, Yoichi Matsue.
Société de distribution : Toho.

Interprétation :
Yoshitaka Zushi .... Rokkuchan
Kin Sugai .... Mère de Rokkuchan
Kazuo Kato .... Peintre
Junzaburo Ban .... Yukichi Shima
Kiyoko Tange .... Mrs. Shima
Michiko Hino .... Mr. Ikawa
Tatsuhei Shimokawa .... Mr. Nomoto
Keiji Furuyama .... Mr. Matsui
Hisashi Igawa .... Masuo Masuda
Hideko Okiyama .... Tatsu Masuda
Kunie Tanaka .... Hatsutaro Kawaguchi
Jitsuko Yoshimura .... Yoshie Kawaguchi

Dodescaden reprèsente des nombreux changements radicaux dans la carrière d'Akira Kurosawa: c'est son premier film en 5 ans, depuis Barberousse en 1965, c'est son premier film sans Toshiro Mifune après une étroite collaboration et complicité de 17 années, et c'est son premier film en couleurs. En effet, alors que la couleur était largement utilisée par tous les cinéastes du monde, Kurosawa continuait à tourner en noir et blanc, considérant que les pellicules couleur ne donnaient pas encore le résultat qu'il en attendait.

Le film nous fait plonger une nouvelle fois dans des atmosphères que Kurosawa adore dépeindre: celles des bas-fonds, qu'il a déjà décrit dans nombre de ses films (Les bas-fonds, L'ange ivre...). Il nous décrit cette fois-ci un quartier extremement pauvre, où les personnages se croisent, se querellent, s'inventent des vies... Dans cette galerie de personnages qui semblent tous plus fous les uns que les autres, le rêve est la seule façon d'échapper à la dureté du quotidien, au manque d'argent, au manque d'avenir...
Kurosawa pousse cette fois au paroxysme ce qu'il avait seulement ébauché dans Les bas-fonds: la folie des habitants est décrite de manière extrement poussée, et dans ce monde profondément individualiste, seuls quelques personnes semblent se préoccuper du sort des autres. La plupart des habitants sont au contraire extrements cruels, se moquant des plus faibles qu'eux. Le quartier se fait ici huis-clos étouffant, chaque être est prisonnier de son image, des ragots qui circulent, de sa condition...
Lorsqu'il dépeint la misère extrême avec le duo père-fils qui vit dans une carcasse de voiture et doit mendier sa nourriture, Kurosawa semble nous indiquer une voie pour s'en sortir: s'évader dans l'imaginaire, comme le père qui ne cesse de penser aux plans et à l'aménagement de leur future maison... Pourtant, l'issue de leur destinée nous montre que Kurosawa ne semble pas croire à ces vertus de l'imaginaire. Le propos se fait extremement pessimiste et confine parfois à la misanthropie, ce qui est relativement étonnant de la part d'un profond humaniste comme Kurosawa...

Akira Kurosawa démontre pourtant une fois de plus dans ce film son talent à dépeindre des personnages, des "anti-héros", avec une certaine tendresse qui n'empêche pas une certaine ironie, et l'on se prend parfois à sourire devant la vie de certains personnages, tels ces deux alcooliques qui décident un jour d'échanger leurs femmes, qu'ils ne peuvent plus supporter...
Cela n'empêche pas que le réalisateur est dans une des périodes les plus sombres de sa vie, dans une dépression profonde. L'échec commercial et critique de ce film pourtant magnifique (c'est pour moi l'un de ses 3 ou 4 meilleurs films) le fera sombrer au bord de la folie: il ira même jusqu'à tenter de se suicider. Il semble "grillé" auprès des studios japonais, et la suite de son oeuvre passera par l'exil: les films qui suivront se feront avec des capitaux étrangers: Dersou Ouzala (production soviétique), Kagemusha (co-production américaine), Ran (co-production française)...